vent ; je crois que les pauvres sont pauvres de larmes comme d’argent ; mais enfin je sais ce que je dis, et vous avez bien tort d’essayer des cachotteries inutiles. Du reste, si vous êtes venue à moi, c’était pour me raconter quelque chose.
Cette voix, la voix de Sika s’éleva un peu, et Tibérade perçut ces mots :
— Mon père m’a dit qu’à Port-Saïd…
— Nous nous séparerions ?
— Oui.
— Eh bien, mademoiselle Sika, cela m’aurait fait pleurer comme vous, si je n’étais persuadée que la séparation n’aura pas lieu.
— Vrai !
Il n’y avait pas à se méprendre sur le sentiment joyeux qui pétillait dans ce monosyllabe.
Mais Tibérade frissonna de tout son être. Sa cousine reprenait :
— Vous avouez donc. C’est pour cela que vous aviez gros cœur.
Un court silence, et Sika répliqua :
— Je vous aime beaucoup, Emmie. Vous êtes si gentille ; et puis hier, votre courage, venir chez des bandits. À ce moment-là, vous ne saviez pas que…
— Mon cousin aussi a accompagné votre père.
— Oui, mais la bravoure est plus naturelle chez un homme…
— Alors, vous ne lui avez aucune gratitude ?
— Mais si, mais si, s’écria la jeune fille qui s’arrêta net et devint écarlate.
Tibérade l’écoutait toujours, sa vie lui semblant suspendue à ces répliques qui s’échangeaient dans la pièce voisine.
Un bruit de baisers, un murmure de rires étouffés, buis le son de la porte refermée. Presque aussitôt, Emmie reparut.
Elle vint à son cousin et avec une gravité comique :
— Quand J’ai été dérangée par une visite… blonde, j’étais sur le point de te dire…
— Oui, oui, petite souris, tu allais prononcer des paroles…