Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/18

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n’admettant que des serviteurs allemands, qu’à tort ou à raison, on prétend plus disciplinés et mieux stylés.

— Alors, pourquoi a-t-on fait une exception ?…

— En votre faveur ?… Tout simplement parce que je me suis entendue avec l’hôtel.

— C’est à vous que je dois… Mademoiselle ?…

— Du calme, Véronique. Laissez-moi finir : ma femme de chambre japonaise, atteinte du mal du pays, j’ai dû la renvoyer là-bas, chez nous. Souhaitant la remplacer, je parlai de mon désir au chef du personnel. Ainsi je vis vos références ; sur ma prière, on vous embaucha, et l’on vous attribua le service du second étage, afin que je pusse me faire une opinion sur vous.

Les sourcils en accents circonflexes, la bouche ouverte en O, Pierre apparaissait tel une statue de la stupéfaction.

Ah çà ! il était donc condamné aux histoires hétéroclites !

Depuis huit jours, il se croyait l’employé du Mirific-Hôtel, sous le nom d’une servante, aujourd’hui trépassée de mort violente ; et pas du tout, il était uniquement un sujet d’études pour une aimable et jolie Japonaise !

Son ahurissement visible parut troubler son interlocutrice.

— Ne m’en veuillez pas, reprit doucement celle-ci. Je veux être aimée, mais je veux aussi aimer qui me sert. De là, l’épreuve pas blessante, car si je ne m’étais pas sentie en confiance, vous auriez toujours ignoré la chose. En vous l’apprenant, je vous démontre que vous êtes sortie victorieuse de l’épreuve, et que si vous le voulez bien, vous allez entrer à mon service, beaucoup plus doux et aussi plus rémunérateur que celui de l’hôtel.

Un instant, Pierre demeura sans voix.

C’était le salut que lui offrait la charmante Japonaise. Au milieu des domestiques : serveurs, chasseurs, maîtres d’hôtel du Mirific, la plus infime circonstance pouvait déterminer la découverte de sa personnalité réelle.