Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/234

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cohue compacte fut réunie devant la façade polychrome du cirque, sous l’éclat aveuglant des lumières projetées par d’énormes globes électriques.

Se maintenant au premier rang, les voyageurs, encore plus avides du spectacle que tous ceux qui les entouraient, attendaient avec impatience le moment de pénétrer dans le théâtre forain. Ils piétinaient littéralement, énervés par le public qui se pressait derrière eux. Mais les musiciens, sur l’estrade, entamèrent un allégro brutal, dans lequel grondait le tonnerre des cymbales et de la grosse caisse ; puis un clown en habit, orné d’une flamboyante perruque à houppe, parut pour énumérer avec des contorsions baroques, en langue sabir, mélange de français, d’anglais et d’italien usité dans toutes les Echelles du Levant, les merveilles qui seraient présentées à l’Intérieur.

Ceci était pour gagner du temps, car le populaire n’avait pas besoin d’être excité.

Les portes s’ouvrirent enfin.

Les amis d’Emmie n’attendirent pas la fin du « boniment » pour escalader les degrés accédant au plateau de parade. Ils se ruèrent vers le contrôle placé au fond.

— Trois premières ! clama le Japonais.

— Deux premières, cria en écho Midoulet, qui marchait derrière lui.

Puis se tournant vers Pierre, la fausse Anglaise murmura :

— Véronique, je vous offre votre place. Dites que je ne suis pas bonne !

Mais le mouvement des voyageurs sembla un signal ; la foule les suivit. En quelques minutes, le cirque fut envahi, les gradins bondés, les couloirs encombrés. Plus une place assise ou debout qui n’eût son titulaire. Le Tout-Beyrouth des premières était certainement venu ce soir-là au Cirque des Enfants allés.

La représentation commença de suite, par un charivari diabolique exécuté par l’orchestre, et que le programme qualifiait modestement : « Ouverture en si bémol. » Puis, ce fut le défilé classique de clowns faisant des pirouettes, poussant des cris inarticulés, que les badauds croient anglais, se lançant des cha-