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Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/252

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Lorsque la représentation avait pris fin, il se trouvait sur la piste, attendant que le public se fût écoulé, pour commencer le nettoyage, ratissage, etc., de l’arène. Dans la foule qui avait envahi la piste, plusieurs individus s’étaient groupés autour d’une jeune fille blonde, l’avaient enveloppée d’une large pièce d’étoffe, un manteau peut-être, et emportée vers une automobile stationnant sur la place Aïa-Tarbouch.

— Et personne, personne, ne s’est trouvé pour défendre la pauvre enfant ? interrompit le général en serrant les poings.

L’employé répliqua du ton le plus naturel :

— Eh ! non, shib ; quand les Druses travaillent, ils n’aiment pas être dérangés.

— Que ne suis-je resté auprès d’elle. Je l’aurais protégée, moi !

Le palefrenier gonfla ses joues, secoua la tête en considérant, d’un air de pitié, Tibérade qui venait de lancer cette exclamation.

— Vous auriez un poignard planté dans la poitrine, rien de plus, shib. Bénissez votre Allah, quel qu’il soit, de vous avoir éloigné à ce moment.

— Mais pourquoi s’attaquer à cette victime innocente et étrangère au pays, reprit le Japonais. Ils ne la connaissaient pas…

— Il parait que si, noble shib.

— Que dites-vous ? Elle n’a jamais, avant ce jour, mis le pied en Asie Mineure…

— Je répète ce que m’a confié l’un des serviteurs, des chefs, que j’ai rencontré parfois, quand nos tournées nous menaient dans la montagne. Je fus son hâte. Nous avons rompu la galette de maïs et dégusté le sel ensemble. Il me considère comme un ami…

Tous s’étaient rapprochés, pressentant qu’ils touchaient au nœud même du drame.

— Et que vous a dit ce terrible ami ?

— Que Mohamed, le défunt Maître de la Montagne, avait, avant sa mort, décidé que la jeune fille serait son épouse !

À cette déclaration stupéfiante, tous s’entre-regardèrent. Enfin, Tibérade balbutia :

— Impossible ! Impossible ! Je vous répète qu’elle n’est jamais venue en ce pays avant ce jour.

— Jamais ! appuya Uko. Jamais !