Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/255

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puis… un autre dont je ne sais plus le nom, tout à l’extrémité de Aïcha-Hemin. Allah vous guide !

Les voyageurs ne perçurent pas ce souhait peut-être ironique. Jetant le pourboire promis au palefrenier, ils s’étaient précipités vers la sortie, et commençaient une course folle à travers la cité, à la recherche du loueur Karref… La recherche, en pleine obscurité, fût restée infructueuse si un slam (agent de police local), flairant un backchich (pourboire), n’avait consenti, avec cette complaisance sans bornes des autorités turques pour les voyageurs fortunés, à les mener en personne au logis cherché.

Seulement, ce logis était clos.

Longtemps Tibérade, Uko, Midoulet, Véronique et même Emmie se meurtrirent les poings à heurter la lourde porte, qui résonnait sous leurs coups avec un fracas de tonnerre.

Ils allaient renoncer, découragés par l’inutilité de leurs efforts, quand un judas treillagé s’ouvrit au premier étage. Par l’étroite ouverture jaillit, menaçante, la question d’usage :

— Qui trouble le repos d’un croyant, dans la nuit réservée aux rêves ?

— Des voyageurs désireux de louer des chevaux sur l’heure, riposta Emmie de toute la force de ses poumons.

Mais cela ne décida pas l’invisible interlocuteur.

— Des chevaux, à deux heures après minuit. Mes gaillards, mon fusil est chargé, passez votre chemin, ou sinon je vous ferai apprécier la qualité de mes cartouches

Et le judas se referma avec un claquement sec, montrant que le loueur timoré croyait réellement avoir affaire à des brigands.

Il eût été inutile d’insister. Le palefrenier avait eu raison. Il connaissait non seulement Beyrouth, mais encore la tournure d’esprit de la population.

Dans ces pays d’Orient, où le temps n’a pas le prix que nous lui attribuons, nous, les Occidentaux incessamment agités, les marchands ne sont point disposés à prendre sur leur sommeil pour traiter une négociation. Le jour leur semble bien assez long pour se fatiguer l’esprit de combinaisons.

Les voyageurs s’obstinèrent cependant, passant de