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Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/293

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soubresauts qui, constatation bizarre, semblaient se rythmer sur les oscillations du vêtement-étendard.

À ce moment même, la cousine de Tibérade, qui entre ses cils baissés, observait le crédule guerrier, murmurait avec une intonation impossible à rendre :

— Oh ! oh ! je crois ce digne homme mûr pour la suprême épreuve. Allons-y du grand jeu ; il faut lui en donner pour son argent.

Et glissant entre ses lèvres un fragment de bois creux, dont elle s’était munie, elle se prit à parler, la voix contrefaite comme par la pratique des montreurs de marionnettes, tout en imprimant au vêtement du mikado des mouvements désordonnés.

— Enfant aimée d’Allah, approche et entends les ordres que moi, houri des Paradis, je fus chargée de t’apporter par le Prophète vénéré, fils, compagnon et lieutenant d’Allah !

À ce coup, Kalfar perd complètement la tête. Auprès du drap dansant avec ardeur s’élève la voix d’une houri ! Elle l’a dit en toutes lettres. Impossible de douter. C’en est trop pour la superstitieuse cervelle du nomade affolé, qui, sans en avoir conscience, se trémousse, s’agite, sautille en mesure avec l’étendard improvisé, lequel se livre à des contorsions échevelées.

— Enfant, écoute, reprend la voix mystérieuse.

Patatras ! Kalfar a épuisé des forces de résistance ; il lâche son sabre et s’abat la face contre terre, en psalmodiant affolé :

La la ill Allah, bismillah resoul Allah !

— Ali-ben-Ramsès, continuait l’organe inconnu, est un fidèle observateur du Coran ! Demande-lui de te confier un cheval. Tu dirigeras ta monture vers l’Orient, ta monture qui portera le pantalon divin de Mohamed l’Inspiré.

— Un cheval, l’Orient, le pantalon, bégaya Kalfar. Je comprends, je comprends ce que dit la houri. Ah çà ! je parle donc le langage du Paradis ! Jamais je ne l’avais soupçonné jusqu’à présent.

— L’animal, poursuivait l’organe singulier, s’arrêtera de lui-même en un point où tu devras enfouir le vêtement dans la terre. Mon ombre sera devant toi. Va ! C’est de ta main que ce pays tiendra ainsi la richesse et le bonheur.