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Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/329

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Et là, elle se trouva en présence de plusieurs esclaves du palais, offrant toute la gamme des colorations de l’épiderme, depuis le blanc le plus pur jusqu’au noir d’ébène.

La jeune fille, plus a l’aise en se voyant délivrée de la présence de son compagnon de route, examina celles qui l’entouraient.

Presque toutes étaient étranges plus que jolies, dans leur costume d’intérieur de persanes, avec leurs chemisettes plissées sur lesquelles se moulait un boléro brodé d’or, et une jupe courte, raidie par un empois au benjoin, se développant ainsi que la gaze de nos danseuses classiques. Leurs pieds nus se jouaient en des pantoufles très ornées.

À l’arrivée de Sika, la plupart avaient quitté les divans, où, dans un farniente plein de mollesse, elles passent le temps sans s’occuper jamais, soit en fumant des narghilehs odorants, ou bien des cigarettes d’un tabac blond et parfumé, ou encore en grignotant des pâtisseries, des confitures, des sucreries de toute espèce.

La venue d’une étrangère prenait pour ces oisives ennuyées les proportions d’un événement. De là le mouvement qui les faisait s’empresser autour de la blonde Japonaise.

Elles l’examinaient en silence, paraissant plongées dans l’admiration par sa chevelure dorée ; elles échangèrent quelques réflexions dans l’idiome berceur du pays, inintelligible pour la prisonnière ; puis chacune lui adressa la parole dans des langues différentes ; Sika ne comprenait pas. Enfin, une Soudanaise, qui semblait sculptée dans un bloc de basalte, jeta une phrase anglaise.

I understand, s’écria la fille du général, toute heureuse d’entendre un vocable connu.

Toutes les femmes se prirent à rire, frappant joyeusement des mains, et elles invitèrent la Soudanaise à parler encore. Celle-ci lança aussitôt cette réflexion qui, à son avis, devait flatter l’étrangère :

— Tu es heureuse, toi ! Le prince Ahmed t’a choisie pour devenir son épouse. Il nous a enjoint de t’obéir en toutes choses.

— Moi ? s’écria Sika stupéfaite, l’épouse de cet homme ; moi !…