Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/330

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L’étendue du nouveau danger révélé la fit pâlir. Elle ne trouvait plus de mots pour exprimer son horreur.

Mais elle songea qu’elle était seule. La ruse lui apparut nécessaire. Il fallait être prudente, cacher sa pensée à ces créatures incapables de comprendre son sentiment. Elle se tut, ne cherchant pas à les détromper. Au surplus, d’autres esclaves se présentèrent bientôt pour la conduire à l’appartement disposé en son honneur.

Elle se hâtait de sortir, avide de solitude où elle pourrait rétablir l’ordre dans ses idées, quand son oreille fut frappée par des rugissements lointains.

Elle regarda ses compagnes d’un instant et s’adressant à la Soudanaise :

— Qu’est cela ? demanda-t-elle.

La moricaude se prit à rire niaisement :

— Cela, mais les lions du prince.

Et la Japonaise ne semblant pas plus renseignée, la femme noire expliqua d’un ton de supériorité qui, en d’autres circonstances, eût amusé son interlocutrice :

— À Bassorah, tout personnage riche entretient des lions, ces beaux lions sans crinière, qui errent dans les monts Darius, à la lisière du désert Salé. La puissance du prince Ahmed est affirmée par six lions, reconnus comme les plus magnifiques de la ville. Aussi, tu le comprends, on ne peut pas rencontrer un seigneur si grand sans que la tendresse germe sous ses pas.

Quelques instants plus tard, elle était dans son appartement, libre enfin d’examiner sans témoins sa situation.

Alors, elle s’abandonna à de tristes réflexions, cependant la nature, en sa bonté, ne permet pas d’oublier les nécessités physiques. La jeune fille, brisée de fatigue et d’angoisse, glissa insensiblement dans l’irréalité du sommeil. Son esprit s’engourdit, cessa d’agiter le problème de sa position. Elle ne revint à elle que le lendemain matin. Mais à peine eût-elle ouvert les yeux, qu’elle poussa un cri d’effroi.

Le prince Ahmed était debout près du divan sur lequel elle s’était étendue. Il la rassura du geste.

— Je vous regardais dormir, fit-il d’un accent ai-