Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/372

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion, mais combien les voyageurs eussent préféré déambuler à travers le monde sans l’escorte d’un pareil séide.

Près de la croisée, Emmie s’était retirée. La gamine cherchait par quel biais adroit il lui deviendrait possible de perdre en route l’importun espion.

Machinalement, ses regards erraient sur la cour extérieure, sur le portail d’entrée, au delà duquel s’apercevaient les quais et la nappe brillante du fleuve Euphrate.

Soudain, elle poussa une exclamation qui fit sursauter ses compagnons.

— Mâtin, on dirait un groupe de la Mi-Carême. Venez voir ! Venez voir !

Tous la rejoignirent et partagèrent la surprise amusée de la fillette.

Un homme vêtu à l’Européenne franchissait le portail monumental du caravansérail. Devant lui marchaient une douzaine de Persans, portant l’uniforme bizarre et panaché des serviteurs des consulats.

Mais le comique de ce défilé consistait dans la manière forte, dont ces dignes fils de l’Iran ouvraient passage au personnage qu’ils escortaient.

Tous brandissaient de solides bâtons, longs de deux mètres environ.

Des moulinets savants contraignaient la foule, encombrant la cour, à s’écarter, et, si quelque serviteur, mercanti ou voyageur, ne se rangeait pas assez vite, pan, pan, les triques s’abattaient impitoyablement sur lui. Pan ! à la tête ! Pan ! sur les reins, les tibias, les épaules !

À l’ahurissement des compagnons du général, personne ne protestait contre ce traitement sommaire. Ils ignoraient le respect du populaire pour celui qui frappe. En Perse, qui tient un gourdin est considéré comme un personnage ; qui bâtonne les autres est réputé vénérable. Le sceptre même du shah, ce souverain féerique et endetté de l’Iran, représente au loyalisme des populations une matraque qui fait plus de mal que les autres.

— Après cela, prononça philosophiquement la fillette, c’est peut-être la façon dont les habitants battent leurs habits.

Mais elle s’interrompit, et d’un accent étonné :