Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/52

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— La manie du dévouement, alors ? Tout pour l’humanité !

— Non, mais pour Mlle  Sika…

Tibérade s’arrêta net, une rougeur ardente embrasant son visage. L’accent, les mots, il l’avait senti, étaient l’aveu de l’attraction irrésistible exercée sur lui par la fille du général. Il comprenait le ridicule de cette confidence involontaire du pauvre diable qu’il était.

À sa grande surprise, l’officier japonais répéta avec une bonne humeur cordiale, à laquelle se mêlait une imperceptible pointe d’ironie :

— Ah ! ah ! pour ma chère Sika ?

— Pour elle, oui… ; pour vous aussi, général, bredouilla le jeune homme, totalement démonté. La sympathie, cela ne se discute, ni ne se raisonne. Je vous avais aperçus lundi dernier…

— À la légation de Corée ?

— Précisément… Eh bien, à votre vue j’ai senti, je ne sais pourquoi : c’est fou, ridicule, inexplicable, ce que l’on éprouve en face d’amis, je dirais même de parents…

— Une espèce de coup de foudre ? plaisanta M. Uko. enfin.

— Très respectueux à votre égard, général, et à celui de Mademoiselle, croyez-le bien…

Lentement, l’officier hocha la tête ; un fugitif sourire contracta ses lèvres minces, et avec une rondeur soudaine :

— Cela me met à l’aise pour vous demander un service.

— Un service ! clama Tibérade. Ah ! général, je vous en serais bien reconnaissant.

— Il n’y a pas de quoi, car il vous fera courir quelque danger.

— Surtout alors, monsieur, je serais heureux, car je pourrais prouver que j’exprimais la vérité tout à l’heure.

Cette fois, le général tendit la main à son interlocuteur ; il emprisonna dans les siens les doigts de Tibérade et, les gardant un instant prisonniers :

— Je pense décidément que notre rencontre doit