yeux. Mais à peine l’eut-il parcourue qu’il se leva d’un bond, les yeux hors de la tête.
— Où est le messager ? dit-il d’une voix étranglée.
— La messagère, Excellence, rectifia le soldat, car c’est une fillette d’une douzaine d’années.
— Eh ! Fillette ou diable, où est-elle ?
— Partie !
— Vous l’avez laissée partir !
L’intensité de son émotion força le directeur à s’arrêter un instant, ce dont le gendarme profita pour s’expliquer :
— On ne savait pas. On avait ouvert la fenêtre pour voir passer un lot de forçats que l’on va embarquer pour l’île Sakhaline… Cette fillette nous a vus.
« — Ah ! bon, s’est-elle écriée, vous êtes là, je n’aurai pas la peine d’entrer. Voilà une lettre pour le chef. Elle nous a donné cette enveloppe et elle s’est éloignée en courant… Dame ! quand il pleut, il est naturel de courir.
— Triple buse !
L’injure éclata entre les lèvres du directeur. D’un geste coupant, il congédia le gendarme tout interloqué, et, demeuré seul avec les pseudo-prisonniers, il clama désespérément :
— Savez-vous qui m’écrit ?
— Ma foi non, vous vous en doutez bien, déclara paisiblement Dick Fann, qui avait suivi toute la scène précédente avec attention.
Le fonctionnaire gonfla tragiquement ses joues et d’un accent où frissonnait l’inquiétude :
— Le comité nihiliste K. 57 !
— Ah bah !
L’exclamation placide de l’Anglais fit bouillonner la colère du policier.
— Ah bah ! Vous vous dites : cela m’est égal, je suis Anglais, je n’ai rien à démêler avec les nihilistes…
— Je ne crois pas avoir, en effet, approuva Dick toujours calme…
— Eh bien vous vous trompez… Cette communication vous vise spécialement.
Et la voix brisée par l’émoi, bégayant dans son désir de prononcer plus vite, le directeur lut ce qui suit :
« Le comité K. 57 vous enjoint de garder sous les verrous les nommés Dick Fann et Jean Brot. »