Et celui-ci, demeuré seul, déplia une boulette de papier froissée que le lieutenant lui avait glissée dans la main. Sur le papier, cinq mots au crayon :
« Opium. — Poivre rouge de Cayenne. »
L’homme eut un rire silencieux, flatta de la main son aéroplane, et enfin murmura :
— Très drôle. Je vais faire mon plein de pétrole. Eh ! Eh !… Je crois être mûr pour la colonisation.
À la même minute, Bariatine regagnant la maison-poste avec ses invités disait à Dick Fann du ton narquois de celui qui va faire une excellente plaisanterie :
— Avez-vous remarqué mon pilote ?
— Oui, grand, sec, brun, l’œil vif.
— C’est cela même ; je vois que rien ne vous reste inaperçu.
— À quel propos ces questions ?
— Le désir de vérifier les qualités de clairvoyance que l’on vous attribue justement, j’en suis persuadé. Me permettez-vous l’expérience ?
— Si cela vous amuse…
— Eh bien, que pensez-vous de mon pilote ?
Bariatine souriait. Il semblait convaincu que son interlocuteur resterait court devant la question insidieuse.
Il eut un haut-le-corps en entendant Dick prononcer :
— Je ne puis vous donner que des indications générales ; mon attention, n’étant pas dirigée sur cet homme, n’a opéré que de façon… machinale, si j’ose m’exprimer ainsi.
— Bah ! dites toujours.
— Je n’ai rien à refuser à mon hôte aimable. Votre pilote est originaire de la Russie méridionale. Il a, en effet, les caractères ethniques particuliers aux populations de cette région.
— Juste. Continuez. Je vous arrêterai si vous vous trompez.
Dick secoua la tête :
— Je ne saurais me tromper, puisque je dirai seulement ce que j’ai vu.
Et lentement :
— C’est un nihiliste.
Bariatine eut une exclamation stupéfaite, à laquelle son interlocuteur ne sembla pas prendre garde. Il continuait :