Page:Ivoi - Le Radium qui tue.djvu/361

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les chefs, un de ces bras exécutant les ordres de têtes que l’on n’atteint jamais. Au surplus, mon dernier doute a été dissipé par le tatouage qu’il porte au poignet.

— Il a un tatouage, je ne l’ai jamais remarqué, s’écria le lieutenant d’un air gêné.

— Regardez-le à l’avenir. Il figure un poignard enlacé par la lettre N : la devise des associations politiques du gouvernement de Perm. Je frappe et je me moque du reste. Le poignard : je frappe. N, première lettre de Nitchevo : cela m’est égal ; je m’en soucie peu.

— Oui, oui, je comprends, c’est merveilleux. Mais pour l’avenir ?…

— Vraiment, lieutenant, vous êtes insatiable. Enfin, votre thé est exquis, mélange numéro deux de la cour de Pékin ; le Fils du Ciel seul boit le mélange numéro un. Je tiens donc à vous satisfaire. Ozeff, m’étant présenté comme pilote d’un aéroplane au lieu de travailler à la mine, en a donc été sorti. Sorti par qui ? Par celui qui l’emploie. Vous.

— Très juste.

— Ses yeux expriment : tu as été bon pour moi ; tu le seras davantage. Par suite, dévouement, jusqu’à ce que vous ayez été encore meilleur à son égard ; c’est-à-dire jusqu’à ce que vous l’ayez fait accepter comme colon obligatoire. Ce but atteint, il n’aura plus besoin de vous. Ou bien, il songera surtout que vous êtes un de ces cosaques que les nihilistes considèrent comme leurs pires ennemis ; ou bien, il lui apparaîtra, clair comme le jour, qu’un colon, un déporté sur lequel la surveillance ne peut s’exercer que de façon intermittente, a de fortes chances de s’évader, s’il le veut fermement. De là, les deux alternatives que je vous signalais tout à l’heure.

Commencée sur ce ton, la conversation continua cordiale et amusante.

Dick, poussé par le lieutenant, par Jean Brot, se laissa entraîner à raconter divers épisodes de sa carrière de détective-amateur.

La nuit vint. L’on dîna ; un louzghi à la kirghize emporta tous les suffrages.

Le louzghi est une sorte de ragoût de mouton avec des fèves et une salade spéciale au pays présentant une certaine analogie avec l’endive, le tout fortement épicé au poivre rouge de Cayenne.

Rien ne développe l’appétit comme la promenade à