Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/102

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

De là le cri de détresse du jeune homme. Détresse qui devint de la fureur, lorsque Gravelotte, avec un calme exaspérant, souligna la catastrophe en disant :

— La diète est encore le meilleur préservatif de la fièvre.

Être affamé, certes, est chose pénible ; mais être raillé par-dessus le marché, cela dépasse les limites permises !

— Vous, commença Niclauss, si furieux qu’après ce monosyllable il ne trouva rien à ajouter…

— Deuxième personne du pluriel, acheva gravement Albin.

La réponse grammaticale n’était point pour apaiser l’Allemand. Il allait sans doute se livrer à quelque écart de langage, mais un claquement sec retentit.

La voix s’étrangla dans sa gorge, sa joue prit une teinte cramoisie, tandis que Rana, qui tranquillement venait de le gifler, disait avec un grimaçant sourire :

— Et la patience que j’aime plus que tout ?… Vous oubliez la patience, mon aimable fiancé.

La situation devenait intolérable : affamé, berné, cela suffisait ; à présent on le giflait. Niclauss brandit sa serviette.

S’il avait eu un sabre, il eût brandi ce sabre ; mais n’ayant qu’une serviette damassée, il s’en contenta pour esquisser un beau geste de révolte en se dressant sur ses pieds.

Il ne le put achever.

Un choc douloureux au sommet du crâne l’obligea à se rasseoir plus vite qu’il ne l’eût voulu.

— Quoi encore ? gémit-il.

La voix de Fleck susurra près de son lobe auriculaire :

— Il faut absolument vaincre. Le Français est très fort, très fort. Que diable, imitez son sang-froid.

Avec désolation, Gavrelotten courba la tête. Si son futur beau-père se mettait de la partie, quelle jolie existence il avait en perspective !

Cogné, battu par tout le monde, sa peau serait