Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/109

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— Oraï est satisfait.

— Vraiment ?

— Oui, petite étoile dorée, il reconnaît que tu n’as rien fait contre ton serment. C’est moi seule qui ai agi, et comme je n’ai rien promis à M’Prahu…

La jeune fille enlaça la nourrice et, couvrant de baisers ses joues parcheminées :

— Ah ! ma Rana, que je t’aime !

Un sourire de bonheur éclaira la figure de la Malaise. L’immensité de son dévouement, de son affection, lui donna presque une auréole. Un instant, elle ne fut plus laide.

Puissance de la bonté, sa laideur disparut.

Mais bien vite, elle se dégagea de l’étreinte de sa mignonne compagne.

— Onze heures viennent de sonner.

— Oui, je le sais.

— Tu n’oublies pas, chère petite Hirondelle des rochers, nue nous quittons la maison à minuit.

— Je n’oublie rien, mais une crainte me prend.

— Une crainte ? 

— Oui, demain chez les Battas, c’est moi qui devrai figurer Hato, la seconde fiancée supposée de mes cousins.

— Oui.

— Le Français Albin m’a vue, lors de son arrestation, sur le débarcadère.

— Sans doute.

— S’il allait me reconnaître !

La nourrice eut un geste dédaigneux :

— Les Malais sont passés maîtres dans l’art de se grimer, ma Daalia.

Confie-toi à ta fidèle Rana ; elle te rendra méconnaissable, comme elle-même.

— Méconnaissable… mais pas laide.

Cette anxiété de la coquetterie, si naïvement exprimée, mit la nourrice en joie.

— Non, non, tu resteras jolie, comme le Yacobbé (sorte d’oiseau mouche) aux mille couleurs. Sois paisible.

Et, changeant de ton. :

— Je vais m’assurer que les Européens se sont endormis, puis je reviendrai te prendre.

Sur ce, elle sortit.