Une sorte de grincement passa dans l’air, tel celui d’une clef anglaise desserrant un écrou, et la vieille se redressa, un rire silencieux épanouissant sa face ridée.
— À l’aube, tu emmèneras les hôtes du vénéré François Gravelotte.
Fargut s’inclina.
— L’ordre m’a été donné.
— Je le sais. L’un des voyageurs porte le même nom que le maître. À celui-là est destiné le palanquin bleu.
— Le bleu, répéta le Malais comme un écho.
— L’autre doit prendre place dans le vert.
— Cela sera ainsi.
— J’y compte.
La main de la nourrice se tendit vers celle du chef des porteurs. Un tintement métallique vibra discrètement, et Rana sortit en murmurant :
— Je compte sur toi, Fargut.
À petits pas pressés, elle regagna l’appartement de Daalia.
Quand elle y parvint, elle trouva le planteur auprès de la jeune fille.
François Gravelotte semblait triste.
— Est-il déjà l’heure, prononça-t-il d’une voix sourde en apercevant la Malaise ?
— Oui, Pangheran.
— Déjà.
Dans cette exclamation, il y avait de l’inquiétude.
— Oh ! ne te désole pas, maître, la chère enfant ne court aucun danger. Les Battas la considèrent comme une fille de leur race. Myria-Outan et Oraï, les premiers parmi les prêtres de M’Prahu, la protègent.
— Un père craint toujours pour sa fille. Vivrais-je si elle n’était point là ?
Daalia jeta ses bras autour du cou du vieillard.
— Père, pardonne-moi un vœu imprudent.
— Je ne le reproche rien, ma chérie, seulement…
— N’ajoute pas un mot. Je te promets d’être prudente… Mais je t’en prie, laisse-moi tout mon courage pour sortir de la situation fâcheuse où m’a mise mon naturel fantasque.