Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/13

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Haine et mépris tintaient dans l’accent dont furent prononcées ces dernières paroles.

Morlaix n’insista pas.

Avec des précautions toutes pleines de déférence, il saisit le col d’une bouteille, emplit religieusement les verres de cristal et levant le sien :

– À notre suicide, mon cher Albin !

À la vieille mode française, l’interpellé allait trinquer, quand, dans le cabinet voisin, on prononça quelques mots, qui parvinrent aux oreilles des dîneurs aussi nettement que s’ils leur étaient adressés.

— Cher monsieur Niclauss Gavrelotten, je veux tout vous expliquer.

Albin et Morlaix demeurèrent immobiles, la surprise au front :

– Gavrelotten, murmura enfin le premier…, bizarre !

– Ton nom en allemand, appuya le domestique ami.

– Précisément… Le nom qu’avait adopté l’oncle Ulrich quand il dépouilla mon père et opta pour la nationalité allemande.

Ils se turent. La voix continuait.

– Asseyez-vous. Assieds-toi, Lisbeth, ma chère fille. Les garçons vont nous servir le dîner et ne reparaîtront que si je les sonne. Nous serons donc chez nous et pourrons causer à cœur ouvert, sans crainte d’être dérangés.

– Ah çà ! murmura Albin, comment se fait-il que nous entendions aussi bien ce qui se passe à côté ?

Morlaix hocha la tête, eut un geste d’ignorance.

– Peuh ! les cloisons sont si minces.

Puis, baissant encore la voix :

– En tout cas, il serait bon de prévenir nos voisins…

– Non, attends.

– Pourquoi ?

Un immense embarras se peignit sur les traits d’Albin.

– Pourquoi ? Pourquoi ?… Des gens qui se cachent pour parler à cœur ouvert… Ce nom qui traduit le mien… Peut-être pouvons-nous empêcher une canail-