Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/147

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ton brave oncle ! Sapristi ! cela devrait suffire à t’occuper.

Sans répondre, Gravelotte se laissa conduire. Avec son ami, il prit pied sur le quai, pénétra sous le hangar de la douane, au milieu de trois ou quatre cents coolies (porteurs) aux tuniques éclatantes, au teint de chocolat, aux peintures écartâtes et aux turbans verts. Il laissa les douaniers ouvrir sa valise, en bouleverser le contenu, puis des coolies au nombre de dix ou douze se disputer la faveur de porter les bagages.

Docilement il monta dans une voiture que Morlaix arrêta. Il ne parut pas remarquer qu’elle était identique à celle qui avait emporté les Américaines. Mêmes joncs tressés, mêmes poneys de taille exiguë, même cocher coiffé d’une cloche écarlate et or.

Il rêvait à cette étrange obsession qui l’incitait à retrouver une similitude, une parenté, entre une jeune fille aperçue à Sumatra, une sauvage batta et une Américaine voyageuse.

Ni les glapissements du clocher, ni les claquements incessants du fouet ne l’arrachèrent à sa pensée.

Sans la voir, il traversa la vieille ville de Batavia, édifiée sur les boues malsaines du rivage et où résident seuls les indigènes.

Et cependant le spectacle était curieux.

Habitations javanaises, légères et fragiles, anciens comptoirs rappelant les maisons hollandaises, tout cela parmi des verdures comme en peut seule produire la zone tropicale. Une foule bavarde, multicolore, riant, criant, marchands ambulants, acheteurs, enfants demi-nus.

De loin en loin, un Chinois arrogant se montrait dans les étroites ruelles. Au-dessus de sa tête, agrémentée de la natte tressée en cordon de sonnette, un Malais tenait déployé un parasol azuré.

Plus loin, on longeait des canaux, car les Malais ont, étrange coïncidence, la même passion pour ces « rues aquatiques » que les flegmatiques habitants de la Hollande.

Des pirogues chargées de fruits glissaient lentement sur l’eau verte, troublant au passage les essaims de baigneurs et de baigneuses folâtrant dans l’onde fraîche.