Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/185

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Dans son émotion, ses jambes plièrent sous lui. Il se laissa choir sur un sofa, mais il se releva aussitôt avec une exclamation qui n’exprimait plus ni la joie, ni la reconnaissance.

Une longue épingle, accessoire indispensable de la coiffure javanaise, avait été oubliée sur le meuble, sans doute par une cliente de l’hôtel, et la pointe aiguë, avait rappelé au voyageur que, telles les roses, les sofas ont parfois des épines.

Bah ! quand on a le cœur en joie, on ne s’attarde pas à un accident qui se passe derrière le dos.

Morlaix pénétrait d’ailleurs à son tour dans le bureau.

— Elles vont à Djokjokarta, lui jeta Albin.

— Tant mieux.

— Vite, nos valises, afin de ne pas faire attendre la voiture.

— J’ai donné ordre de les descendre.

— Ah ! Morlaix ! tu es un frère !

Et Gravelotte serra son ami contre sa poitrine. Il le serra à l’étouffer, ce qui, chacun le sait, démontre une affection réelle… et prouve en même temps que la tendresse humaine ne peut atteindre à la perfection, car, à ce degré, il faudrait étouffer complètement son partenaire.

Ceci, pour consoler les esprits chagrins qui se lamentent sur ce que l’homme n’est point parfait.

Quelques minutes encore s’écoulèrent. Avec des gestes incohérents, Albin arpentait le vestibule, donnant l’impression, que traduit l’expression populaire d’un ours en cage, ou, en termes moins zoologiques, celles d’un homme préoccupé, en proie à une vive agitation intérieure.

Clic ! Clac ! Vohe ! Yalou !

Cris aigus, variations crépitantes d’un fouet. C’est la voiture attendue, avec ses petits poneys de Timor qui galopent, son cocher rouge qui braille et gesticule, le domestique de l’hôtel qui trotte, cramponné d’une main aux harnais.

Valises, voyageurs, prennent place, des mains généreuses octroient le pourboire à des mains suppliantes, et de nouveau le fouet claque, les poneys se remettent en action.