Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/186

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La voiture part, elle est partie, emportant les deux amis dans les traces des Américaines, des Allemands, vers la fantasmagorie née dans le cerveau romanesque d’une jeune fille, de la pauvre petite Daalia, laquelle, à cette heure, brisée encore par la fièvre, est couchée dans sa chambre, où le store de la croisée tamise la lumière, où la mignonne enfant reçoit les soins de sa fidèle Rana.

Les ruelles, les avenues ombreuses, les canaux de Batavia, sont parcourus, franchis, laissés en arrière.

Les poneys ne cessent de galoper, leur conducteur ne cesse de les exciter de la voix et du fouet.

Voici les rizières et les champs cultivés.

Une large route, toute droite, parcourt cette bande côtière des plantations, et va se perdre au loin dans les forêts dont sont couvertes les pentes des montagnes courant presque partout parallèlement au rivage de Java.

Albin s’est armé d’une longue-vue.

Que cherche-t-il ?

Veut-il goûter par avance le charme féerique du paysage javanais, veut-il se délecter des éclaircies des bois, des ravins qui découpent capricieusement les hauteurs ?

Non. Que lui importent les précipices boisés, les fourrés de rhododendrons, les tapis de menthes roses, rouges, orangées. Ce qu’il cherche dans cette immensité, ce qu’il tient à découvrir au milieu de ce spectacle divin de la nature, en cette île de Java, joyau du monde, c’est deux brins de mousseline bleue flottant au vent, c’est deux voiles d’Américaines.

Et, tout à coup, sa main serre fortement le bras de Morlaix.

— Sapristi ! fait celui-ci, tu pinces comme un crabe !

— Regarde, là-bas, presque à la lisière des bois.

Morlaix a compris. À son tour, il applique l’œil à la longue-vue.

— Eh bien ? interroge anxieusement Albin.

— Il me semble distinguer…

— Des voiles bleus ?

— Précisément.