Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/188

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il regarde, il admire. Ce lui est une surprise quand, sur un plateau parsemé de bouquets d’arbres, les petits poneys s’arrêtent, le cocher descend de son siège et se met à dételer ses coursiers, avec ces seuls mots :

— Onze heures. Sieste !

Poursuivre la marche au milieu du jour serait mortel pour les voyageurs et les animaux. On va déjeuner, dormir jusque vers quatre heures.

Tant bien que mal, on s’installe à l’ombre. Les victuailles que Morlaix, en homme pratique, dont l’estomac n’est pas aveuglé par le flottement d’un voile bleu, a fait empaqueter à l’hôtel, sont déballées, installées sur l’herbe.

L’eau glacée d’une source rafraîchit la boisson, et le cocher malais, convié à partager le repas des blancs, leur marque le respect profond de l’indigène pour la race conquérante en demeurant à genoux, une main sur la tête, ce qui ne l’empêche pas de porter, avec l’autre, à sa bouche, les aliments en quantité suffisante pour étouffer deux personnes ordinaires.

De loin en loin, il s’interrompt, lance un sifflement modulé. Alors, les poneys qui paissent en liberté se rapprochent au galop de charge. Ils stoppent brusquement auprès de leur conducteur. Celui-ci les flatte de la main, leur adresse quelques phrases caressantes :

— Que les dieux vous fassent l’herbe tendre, ô mes douces colombes. Allez, amis chers à la crinière de flamme, allez, mes tourterelles aux sabots polis comme l’agate.

Et les petits chevaux repartent en bondissant, tout aussi incapables que leur cocher de comprendre l’étrangeté de cette figure de rhétorique : une tourterelle en sabots, même polis comme l’agate.

Sa faim apaisée, Morlaix s’étend sur l’herbe. Le conducteur l’imite.

Seul, Albin se lève, erre aux environs.

Il semble scruter le sol autour de lui. Cherche-t-il les traces des Américaines qui ont dû le précéder sur le plateau ?

Oui et non.