Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/21

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Une exclamation d’intérêt s’échappa des lèvres de Niclauss et de la sentimentale Lisbeth, étouffant celle que, de l’autre côté de la cloison, lancèrent Albin et son compagnon.

Fleck continua :

« Je suis né voyageur ; aussi, un beau jour, laissant mes frères au pays, je quittai la Lorraine et m’embarquai pour l’Extrême-Orient, assez léger d’argent, mais chargé de rêves de fortune. Ainsi, j’arrivai à Batavia, capitale officielle de l’île de Java. Là, rien à faire. L’île, peuplée de dix-huit millions d’habitants, est morcelée entre les Hollandais et quelques rajahs d’une indépendance purement nominale. Il n’y a plus place pour les nouveaux venus. J’appris qu’à Sumatra il en était tout autrement. Cette grande terre insulaire, vaste comme les quatre cinquièmes de la France, a une population clairsemée (trois millions d’habitants) mais guerrière. Les Hollandais occupent les côtes, des tribus indépendantes circulent dans l’intérieur. C’est là que je résolus de me fixer. J’obtins aisément une vaste concession et cherchai à nouer des relations commerciales, avec les indigènes, les Battas. Hélas ! j’ignorais que ceux-ci sont anthropophages et que, avec les blancs, ils aiment surtout les relations de table, les blancs étant invités comme rôtis. »

– Brrr ! frissonna Niclauss.

Tandis que Lisbeth, les yeux levés au ciel, psalmodiait :

– Valériane, arbousier, blessure, repas !

« Étranges, ces Battas. Ils mangent seulement leurs prisonniers de guerre, ou bien ceux des leurs qui se sont rendus coupables d’un crime. C’est vous dire que je fus admirablement reçu. Sans m’en douter, je leur fis l’effet que fait aux enfants l’arrivée d’un papa gâteau, chargé de friandises. Seulement, ici, la friandise, c’était ma personne. Quand je compris, j’étais étroitement ficelé avec des lianes flexibles qui m’entraient dans la peau. Dans la case où j’étais en-