Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/22

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fermé, je réfléchissais à mon sort, lorsqu’un chef batta entra :

« — Captif, écoute, me dit-il.

« Je levai la tête et le considérai.

« — Nous sommes pauvres, nous autres, poursuivit-il, et les Nederlangs – c’est ainsi que les naturels désignent les Hollandais – les Nederlangs sont riches. Cela tient au commerce qu’ils font, je m’en suis rendu compte dès longtemps, j’aurais commercé avec eux, mais ils ne m’inspirent pas confiance, et sûrement, ils profiteraient de nos relations pour essayer de nous asservir. En te voyant, j’ai pensé : « Celui-là pourrait ce qu’il m’est défendu de faire. »

« Et comme je le regardais sans comprendre.

« — Tu n’es pas Nederlang, toi. Ta peau est blanche, mais pas comme la leur. Ta parole aussi est différente.

« — Tu as bien vu, chef, ma patrie est la France.

« — La France, répéta-t-il pensif, j’en ai entendu parler. On prétend que les Frang-Houtan (Hommes de France) sont joyeux.

« — Cela est vrai.

« — Bien. Réfléchis avant de me répondre. Si je t’offrais la vie, à la condition que jamais tu ne quitteras notre pays, que tu resteras toujours l’allié fidèle des Battas, jurerais-tu de remplir tes engagements ?

« J’ouvrais la bouche pour jurer. Vivre, même à Sumatra, est préférable à être mangé.

« Mon interlocuteur m’arrêta.

« – Attends. Je reviendrai demain. Demain seulement tu me feras connaître ta résolution…

« Je la lui aurais apprise de suite, car pour se résigner avec indifférence à devenir comestible, il faut une réelle vocation… et j’avoue n’en avoir aucune pour cette fonction.

« Pourtant, je me tus. Son ton péremptoire m’avertissait qu’il était sage de me conformer à son conseil.

« Longue me parut la journée.

« Pas une fois, je ne me demandai si les conditions imposées ne seraient pas pesantes à mon esprit, à mon cœur… Non, l’idée de n’être pas dépecé, de ne pas nourrir mes geôliers, primait tout.