Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelle, ne l’oublie pas, renonce par là même, à épouser Niclauss. Eh bien ! c’est moi qui lui consacrerai ma vie. Je m’improvise ton caissier moral, je fais honneur à ta signature.

Sous sa forme baroque, Albin discerna le dévouement réel caché dans les paroles de son compagnon. Il lui tendit la main.

— Tu te sacrifies, mon pauvre ami.

— Oh ! bien peu, en tout cas ; souviens-toi que nous allions commencer notre dernière promenade au bois de Boulogne, quand…

— Tout a bien changé depuis.

— Soit, mais enfin, Lisbeth n’est pas laide.

— Je le veux bien.

— Elle a un excellent cœur.

— Oui, mais son père…

— Elle ne l’a point choisi. Si ce n’est ni pour elle ni pour lui, que ce soit pour moi. N’en dis pas trop de mal. Autrement, tu me découragerais peut-être.

Décidément, ce brave Morlaix traitait gaiement les choses les plus sérieuses. Albin comprit ce que son ami ne disait pas.

Tout d’abord, celui-ci n’avait vu en Lisbeth qu’une ennemie. Puis, les circonstances l’avaient rapproché de la jeune fille ; sous l’empire de ses discours, il avait senti s’éveiller en elle une âme toute neuve, avide de courir vers le bien, et de même que les parents se prennent d’indicible tendresse pour l’enfant dont ils façonnent le cœur aux nobles aspirations, de même Morlaix avait vu naître en lui l’affection pour son élève.

Le professeur de morale était devenu insensiblement un fiancé.

Certes, le mot n’avait pas été prononcé. Jamais ce sujet ne fut même effleuré durant les conversations passées ; mais, en fait, le plus difficile était effectué. Le jeune homme oubliait le père, le manque de goût de Lisbeth, pour se souvenir seulement qu’à son instigation, elle se rangeait du côté du bon droit et de la justice.

Tandis qu’Albin, que lui-même, rêvaient à ces choses, le train filait à toute vapeur à travers les plaines admirablement cultivées.