Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/224

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Des plantations de tabac, au milieu desquelles se dressent, de kilomètre en kilomètre, les immenses hangars des séchoirs, alternent avec des champs de cannes à sucre qui bordent la voie durant deux ou trois lieues, et que dominent, tels des obélisques de briques, les hautes cheminées des raffineries.

C’est ici que se fabrique la moitié du sucre que consomme l’humanité, ici que l’on distille l’alcool de canne qui assure aux liqueurs hollandaises une supériorité si marquée.

C’est dans ce coin de terre, situé aux antipodes de la métropole, que le soleil fait jaillir du sol les énormes fortunes aspirées peu à peu, comme par une pompe géante, par les opulents bourgeois de Rotterdam, d’Amsterdam, de La Haye, etc. Étrange contraste des choses ! La nature exubérante de cette région équatoriale se consume à créer la richesse pour ce petit pays brumeux, luttant, à coups de digues et de millions, contre l’envahissement de l’Océan.

Mais la campagne devient jardin.

De longues allées de mimosas signalent l’approche de Samarang.

Cette ville de cent dix mille âmes est une nouvelle Batavia. Canaux, avenues ombreuses, population bruyante se montrent de chaque côté de la voie.

Le train ralentit. Il ralentit encore et stoppe enfin dans la gare, exquise construction dont les architectes ont combiné, en un modern style élégant, les architectures malaise et hollandaise.

Un vacarme assourdissant s’élève. Albin et Morlaix, qui ont ouvert la portière et se préparent à sauter sur le quai, demeurent un pied en l’air.

Leur wagon est littéralement bloqué par deux troupes de musiciens. À l’arrière, des Malais, aux costumes éclatants, frappent à tour de bras sur des gongs, soufflent éperdument dans des sifflets, raclent, avec des contorsions de démoniaques, l’arganie, sorte de harpe à deux cordes qu’actionne un archet.

À l’avant, c’est une fanfare européenne. Cuivres, clarinettes, tambours, cymbales, triangles, grondent, clament, résonnent, tintinnabulent.

C’est à se boucher les oreilles. Mais le tumulte augmente encore.