Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/258

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quatre cents mandarins sautillants, abrités par autant de parasols de couleurs variées, ouvrent la marche.

Ils sont suivis par un bataillon de régents malais et de princes de la cour, coiffés du topji, calotte de baudruche, en tronc de cône, blanche ou azur, vêtus de vestes de soie rouge, verte, blanche, ornées de pierreries sur les coulures, et de sarongs traînant à terre.

Derrière vient la voiture du héraut, ou, pour parler la langue protocolaire de l’Occident, le carrosse de l’introducteur des ambassadeurs.

Quel étrange véhicule ! Une sorte de sucrier pointu, peint en jaune, perché sur treize ressorts et portant à la partie antérieure un échafaudage de fil de fer, lequel sert de siège au cocher. Six poneys blancs composent l’attelage. Ils sont caparaçonnés et encadrés par une escorte de dragons enjuponnés.

Le héraut gravit les huit degrés du marchepied, s’installe dans le sucrier jaune.

Aussitôt la foule se prosterne, l’orchestre commence un infernal charivari. On se met en route.

Albin et ses compagnons se bouchent les oreilles. Ce geste dédaigneux n’a pas d’importance, car les naturels, le nez dans la poussière, ne le peuvent voir.

Le payong impérial, à la hampe longue de quatre mètres, s’étale au-dessus de la voilure du héraut et semble guider le cortège. Assourdis, ahuris, les Européens discernent en arrière, à plus d’un kilomètre, la masse des princes, vizirs, rajahs, adiepatis, se déroulant, tel un long serpent.

— Eh ! eh ! plaisante Gravelotte en s’adressant à Niclauss, cette fois, je crois que vous avez votre part d’honneurs.

L’Allemand répond par un cri de douleur.

Fleck vient de lui écraser les orteils afin de l’engager au silence.

Si Albin s’étonne, si Gavrelotten grommelle, l’heure n’est pas aux explications. On arrive aux murs marmoréens du Kraton.

Les portes monumentales tournent pesamment sur leurs gonds, les équipages pénètrent dans une avant-cour immense, au milieu de laquelle se dressent les deux Warninguigs (géants aux mille contreforts), arbres sacrés, qui symbolisent la toute puissance.