Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/269

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tente des mots mil allaient jaillir des lèvres de ce puissant personnage.

Un instant le souverain promena sur la foule dévotieuse un regard satisfait. 

Puis ses paupières eurent un léger battement. Les prunelles noires se fixèrent sur le voyageur. Et, traduit aussitôt par le résident, il susurra :

— Ton nom est Albin Gravelotte ? 

— Oui, sire.

— Désormais tu t’appelleras Gravelotte Oueïmio-Sakhené.

— Ce qui signifie, expliqua l’agent hollandais, homme dont le savoir monte jusqu’aux étoiles. Albin allait remercier. C’était bien le moins. On rencontre rarement en voyage des sultans qui prodiguent des vocables aussi flatteurs.

Une voix sonore empêcha la sienne de franchir sa moustache.

Le héraut de la cour, debout au sommet de l’escalier pyramidal du Pendoppo, clamait de toute la puissance de ses poumons :

— Le vainqueur du tigre est proclamé, Oueïmio-Sakhené ! Inclinez-vous tous devant la science et devant lui.

Il n’avait pas achevé que la foule était à quatre pattes, tous les dos rigoureusement parallèles au plan azuré du ciel, et de ce peuple rendu quadrupède par un profond respect, montait, tel un cantique, le titre décerné par le Sultan, incessamment répété par des organes louangeurs :

— Oueïmio-Sakhené ! Oueïmio-Sakhené !

C’était la gloire, le triomphe. Plus heureux que les triomphateurs de l’ancienne Rome, Albin n’avait pas à redouter les boutades acérées de l’Insulteur public, chargé de rappeler au César drapé dans la pourpre triomphale, que la roche Tarpéïenne est près du Capitole.

Nouveau geste du sultan. Nouveau silence des assistants prosternés.

Et grêle, autoritaire et douce, la voix du maître se fait encore entendre.

— Que viens-tu chercher en mon Kraton ?

— Une bayadère.

— Te réjouis-tu donc d’assister aux danses mystiques des Javans ?