Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/268

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En trois bonds, il rejoignit sa voiture porte-cage, s’y cramponna des griffes et des dents et alla se blottir au fond de la caisse grillée et dorée qui l’avait amené.

Sans perdre une minute, Albin escalada le char. Un instant il hésita. Allait-il percer de sa lame le félin aux abois ?

Non, il se décida pour la clémence et, nouvel Auguste de ce Cinna fauve, il l’épargna.

Certes, il ne lui dit pas comme l’empereur romain :

— Prends un siège, Cinna.

La nature n’a pas confectionné les tigres pour s’installer sur une chaise curule ou autre, et puis l’arène manquait totalement de fauteuils.

Mais le Français fit davantage en assurant au vaincu un asile.

Lestement il referma le panneau-porte de la cage, assujettit les verrous, et se retournant vers les spectateurs, il fit tournoyer sa lance en un moulinet vainqueur.

Ce fut alors un débordement d’enthousiasme.

La haie des lanciers fut éventrée. Princes, mandarins, chambellans, serviteurs, se ruèrent vers le char.

Gravelotte fut enlevé, porté en triomphe jusqu’aux pieds du trône du sultan.

Là, on le déposa à terre entre les bras de Morlaix qui, avec une inquiétude amicale non dissimulée, avait suivi toute la scène, la main sur la crosse d’un revolver, prêt à intervenir si son compagnon de voyage se trouvait en danger.

Comme un chœur antique, tous disaient dans on murmure respectueux :

— Il sait ! Les épreuves du Savoir ont tourné à sa gloire.

Et le sultan lui-même, levant son sceptre d’or et de pierreries, prononça :

— Il sait !

La parole du prince des princes passa ainsi qu’une brise rafraîchissante sur l’assemblée. Tous se turent comme par enchantement. Les mouvements commencés ne s’achevèrent point. L’assistance figée, immobile, muette, parut composée de statues d’ambre clair et tous les yeux convergèrent sur le maître de Djokjokarta, dans l’at-