Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/284

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En t’entraînant loin de Batavia, on évitait cela. Et tandis que nous courions la poste, la gentille fiévreuse se rétablissait et s’embarquait pour une destination inconnue.

— Manille, a dit Mlle Lisbeth.

— Darnaïl nous confirmera cela, de gré ou de force. En attendant, contente-toi comme moi des deux mots : destination inconnue.

Le brave garçon s’interrompit.

— Nous sommes arrivés ; le magasin est ouvert. Donc, la bayadère Darnaïl est rentrée chez elle !

En effet, la coquette boutique étalait aux yeux des passants ses amoncellements parfumés de fruits, ses rangées de flaçons.

Les deux Français y pénétrèrent.

L’époux de la danseuse tenta bien de les retenir au passage, mais une poussée vigoureuse envoya le guerrier javanais s’asseoir sur un monceau de bananes, et lui démontra que la furia francese n’est pas un vain qualificatif.

Prudent comme tout bon Malais, dressé d’ailleurs au respect presque religieux de l’homme blanc, le garde du Sultan ne se révolta pas. Il demeura couché sur son lit de bananes, après avoir esquissé, sans mauvaise humeur, un geste de philosophique résignation.

Le magasin traversé, Albin et son ami se trouvent dans le jardin où, une fois déjà, les Allemands ont provoqué, à prix d’or, les confidences de Darnaïl.

Un bruit de voix parvient jusqu’à eux.

Ils se précipitent et débouchent soudain dans un petit rond-point.

À demi pâmée d’effroi, la danseuse est couchée sur un banc. Fleck et Niclauss la menacent de leurs revolvers, et Lisbeth, très calme, lui dit doucement :

— Parlez donc. Le silence est un danger de mort… Saxifrage et citronnelle musquée !

À l’apparition des Français, la scène change.

Un instant, les revolvers s’abaissent, Darnaïl est aussitôt debout. Elle bondit vers les nouveaux venus, s’agenouille, enlace leurs jambes de ses bras :

— Par le dieu des chrétiens, par Allah ! par Mohammed ! sauvez-moi !

Cette invocation qui mêlait, avec une douce incon-