Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/339

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Antonio dédaigna de lui répondre et se prit à marcher de long en large, sans paraître entendre la diatribe virulente que la coquetterie féminine blessée faisait monter aux lèvres de Mrs. Stiggs. 

Comme les remous d’un torrent après une pluie d’orage, les récriminations de la dame se succédaient, acerbes, violentes. Il semblait que l’ire de la créole ne se pût calmer. Mais le capitaine revint, ramenant le soldat qui avait escorté le Philippin.

— Les détachements sont en route ; rien ne s’oppose à ce que je lâche ce gredin, puisque j’ai eu la faiblesse de le promettre.

Et au soldat : 

— Will, conduisez cet homme hors des retranchements. Il est libre. 

Une surprise se peignit dans les yeux du militaire, mais il ne se permit aucune réflexion.

— Allons, face de diable, dit-il seulement, songe à allonger les jambes.

Un instant plus tard, le Yankee et l’indigène avaient disparu.

Quant à Stiggs, il s’efforçait d’apaiser l’inquiétude de Daalia. 

— Je compte beaucoup sur la battue. Cinq détachements ont quitté Manille, ce qui leur assure trois heures d’avance au moins sur ce loqueteux que je viens de renvoyer. Moralès ne s’attend pas à cette riposte. J’espère donc que, ce soir, il sera en notre pouvoir.

— Et que demain matin, acheva la vindicative créole, j’aurai la joie d’assister à son exécution.

Tous deux se trompaient.

Au soir, le télégraphe sans fil, et aussi quelques officiers, venus en visite de Manille, sur un petit vapeur faisant le service entre la cité et Mariveles, apportaient la nouvelle que les détachements avaient inutilement battu la brousse.

Moralès, sa bande, ses prisonniers, semblaient s’être dissipés en fumée. Une fois de plus, le chef insurgé avait mérité son surnom d’Insaisissable.