Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/361

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En flâneur, il traversa l’unique rue de la bourgade et s’engagea sur la route étroite, encaissée, taillée au flanc des pentes rocheuses, qui dévalent des sierras de Mariveles et de Bagac dans la mer. Ainsi, il atteignit le rio de Orion, torrent écumeux situé à peu de distance.

Le long du lit creusé par les eaux mugissantes, courait un sentier à peine tracé, véritable passée de fauves ou de proscrits. Antonio s’élança dans l’étroit chemin et bientôt il disparut parmi les broussailles.

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Daalia avait veillé tard.

Une visite avait profondément troublé la jeune fille, le visiteur n’étant autre que le sacrificateur Oraï. Le prêtre de M’Prahu lui-même était arrivé au fort tout décontenancé, apportant la nouvelle de la disparition de Mrs. Doodee et de sa demoiselle de compagnie.

Rana avait ri des tribulations de ces étrangères, souffrant sans le savoir pour sa bien-aimée Daalia ; mais celle-ci avait senti en elle une pitié immense pour les Anglaises. Leur soudaine disparition l’avait bouleversée.

Est-ce qu’elles aussi étaient aux mains des rebelles ? Est-ce que leur tombe allait se creuser auprès de celle d’Albin ? Car elle n’en doutait pas, le courageux Français n’était plus. Il avait payé de sa vie la défense de sortir du fort, qu’elle avait dû subir.

À l’aube, elle s’était mise à la croisée, à cette croisée qui permettait d’apercevoir le pic de Bagac.

Oh ! elle ne commençait aucune journée sans interroger la pointe rocheuse.

Antonio, ce mulâtre entrevu quelques jours auparavant, ne lui avait-il pas dit, qu’un matin, le sommet se couronnerait d’une colonne de fumée et, qu’alors, sous couleur de promenade, elle devrait sortir du fort, descendre vers Orion, où il l’attendrait ?

Car elle ne l’avait révélé à personne.

Dans les paroles d’Antonio, elle avait entrevu comme la promesse d’une protection mystérieuse. Son secret avait échappé à tous. Et pour dissimuler davantage, elle s’était astreinte, tantôt dans la matinée, tantôt dans l’après-midi, à des excursions autour du fort. De la sorte, personne ne s’étonnerait si, un jour, elle sortait, pour répondre au signal de feu du mont Bagac.