Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/369

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ma courtoisie naturelle, je représente un peuple, un peuple à qui l’amour de la liberté fait une nécessité de la guerre.

Habitant une île, dont l’ennemi couvre les côtes de soldats, les mers circonvoisines de navires, nos ressources sont faibles et, quoique mon cœur en saigne, je dois dépouiller les individus au profit de la nation.

Un geste impatient de la prisonnière interrompit cet exorde :

— À quoi bon tout cela, señor ? Qu’exigez-vous ?

— La fortune de votre père.

— Vous dites ?

— La fortune de votre père, señorita… Toute la fortune. C’est la guerre de partisans assurée durant des mois.

Les yeux grands ouverts, Albin croyait rêver.

Daalia haussa les épaules.

— Je n’ai pas la disposition des biens de mon père.

— Certes non, déclara Moralès avec un sourire railleur. Mais il suffira de faire connaître la situation dangereuse où vous vous trouvez pour qu’il se dépouille.

— En êtes-vous certain ?

— Absolument.

Puis, lentement, comme pour faire mieux pénétrer ses paroles dans l’intellect de son interlocutrice :

— Vous êtes prudente, señorita, et ne vous rendez qu’à bon escient. Tant mieux, car il est de mon intérêt de jouer cartes sur table. Ou bien vous allez adresser au señor François Gravelotte la requête que je sollicite de votre grâce, ou bien le sacrificateur, Oraï, qui vous cherche dans Manille, sera conduit ici demain. En sa présence, votre secret sera dévoilé à Albin, votre cousin, et dès lors, une seule solution s’imposera : vous traîner en victime sur les autels de M’Prahu.

Le Français frissonna ; Daalia pâlit.

Un instant, le Tagal jouit du trouble de sa prisonnière. Après quoi, d’un ton détaché :

— Pensez-vous que, la situation posée en ces termes, votre père hésitera à donner son or, en échange de la précieuse existence de son enfant unique et chérie ?