Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/375

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— Parce que le chef a tenu entre ses mains le capitaine du navire et qu’il l’a renvoyé sans rançon, parce que les Russes sont les alliés naturels de tous les opprimés. Alors l’officier reconnaissant a promis de recevoir à son bord et d’emmener loin de ce pays désolé ceux qui se présenteraient au nom de Moralès… Tu vois qu’il acceptera bien une lettre.

— Et il quitte son mouillage ?

— Demain matin, au jour.

Durant plusieurs minutes, les révoltés marchèrent en silence. Visiblement, Antonio réfléchissait.

Soudain il releva sa tête penchée.

— Et le chef approuve le capitaine du Varyag ?

Lopez eut un éclat de rire.

— S’il l’approuve, en quoi ?

— En ceci : Pour une dette de gratitude personnelle, il abriterait sous son pavillon des gens comme nous, en rébellion contre les États-Unis ?

— Il n’abritera qu’une lettre.

— Oui, mais à l’occasion, il recevrait à bord…

— Ceux d’entre nous qui le désireraient. Il l’a promis. 

— C’est pourquoi je te demande : Moralès l’approuve-t-il d’agir ainsi ? Qu’il se serve des bonnes dispositions de l’officier russe, rien de mieux ; mais trouve-t-il sa conduite correcte ?

— Parfaitement. Voici ce qu’il disait encore au moment de mon départ : Il y a plaisir à se montrer courtois à l’égard de gens qui ont une notion aussi élevée de la reconnaissance.

Le visage du métis s’épanouit.

— Oui, je comprends. Il estime que l’homme auquel on a conservé la vie doit user de tous les moyens en son pouvoir pour n’être pas ingrat.

— C’est aussi mon avis, fit sentencieusement Lopez. Ne serait-ce pas le tien, digne Antonio ?

— Si, si ; mais, dans ces choses de conscience, des scrupules me viennent, et je n’étais pas fâché d’appuyer mon sentiment sur d’autres opinions.

La route peu à peu avait diminué de largeur. À présent, ce n’était plus qu’une sente étroite courant entre les végétations luxuriantes de la forêt équatoriale. Antonio avait laissé passer son compagnon devant lui. Il le suivait de près réglant son allure sur la sienne.