— Mais c’est d’un traître cela, murmura-t-elle, exprimant tout haut sa pensée.
Il inclina gravement la tête :
— C’est d’un traître, en effet. Mais je n’avais pas le choix. Vous m’avez conservé la vie ; je voulais sauver la vôtre. J’ai frappé, trahi, pour vous faire la route libre. Vous en sûreté, Antonio se punira.
Mais changeant de ton :
— Suivez-moi. Je vous guiderai vers un navire qui, à l’aube, vous emportera loin de cette terre sanglante.
Stupéfaite, pénétrée à la fois de reconnaissance et d’horreur, Daalia demeurait immobile, muette. Antonio la rappela à elle-même :
— Dépêchons, les minutes sont précieuses.
— Et mes compagnons ?
Un geste insouciant du métis la fit frémir.
— Je ne puis abandonner… les abandonner, corrigea-t-elle vivement.
Avec un sourire, le partisan modula, une inflexion tendre dans la voix :
— Oui, je Comprends, l’oiselle craint pour l’oiselet ; il y a des choses aimantes dans l’air que distillent les jeunes filles… Lui aussi, je l’emmènerai.
— Oh ! merci ! s’écria Mlle Gravelotte.
La promesse du métis avait chassé toutes ses terreurs. Fuir ses geôliers avec Albin, n’était-ce point dire adieu au danger, rentrer dans le bonheur ?
Seulement, le Philippin devait comprendre en ce jour que la chaîne des affections entraîne, tout autant que la filière du mal.
Gravelotte, mis au courant des bonnes dispositions d’Antonio, s’écria :
— Je ne saurais abandonner Morlaix.
Et de trois. À son tour Morlaix déclara :
— Je préfère rester prisonnier, si la pauvre Lisbeth ne s’évade pas en même temps que moi.
Puis Lisbeth intercéda pour son père ; son père pour Niclauss.
Antonio, hypnotisé par l’idée de sauver Daalia, consentit à emmener tout le monde. Et alors, Morlaix, Albin, Daalia s’avisèrent qu’il serait peu généreux de ne point tirer de peine Mistress Doodee et l’opulente Grace, lesquelles, après tout, avaient été