Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/381

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les innocentes victimes du vœu romanesque de la mignonne fille de l’oncle François.

Tant et si bien qu’au milieu de la nuit, le métis, qui avait cru sauver une seule personne, quitta la retraite des rebelles escortant huit fugitifs.

Ah ! cette marche dans la nuit, parmi les vols de lucioles, les pépiements d’oiseaux effrayés, les glissements mystérieux des reptiles fuyant parmi les herbes !

Cette marche dans des ténèbres, traversées parfois d’un miaulement agacé, ou trouées par les étoiles phosphorescentes de regards de félins, avait quelque chose de fantastique et de troublant.

En vain Antonio rappelait qu’à Luçon, il n’existe aucun grand carnassier, disant avec affectation lorsqu’un fauve rôdait aux alentours :

— Chat sauvage. Chat sauvage.

Lisbeth, Eléna, Grace frissonnaient de terreur.

Cependant, on avançait. Maintenant, la petite troupe parcourait la sente resserrée, où Antonio avait, si religieusement et si cavalièrement à la fois, dépouillé Lopez de son message et de la vie. Là le partisan fit halte :

— Arrêtez-vous un instant, señores et señoritas, fit-il d’une voix grave. Arrêtez-vous et donnez une prière à un chrétien, qui est mort sans être tout à fait réconcilié avec le ciel.

Lui-même, à haute voix, prononçait une prière et son organe grave, convaincu, bourdonnant dans cette nuit cachant tant d’embûches, tant de dangers, donnait à son action une allure d’inquiétante grandeur.

Le coureur de buissons empruntait à sa foi barbare une réelle majesté.

Son oraison terminée, il donna le signal du départ.

Bientôt la sente s’élargit. Aux broussailles, aux arbustes, succédèrent des arbres géants, aux pieds desquels rien ne croissait.

— Sommes-nous bientôt arrivés ? demanda Albin, au bras de qui s’appuyait Daalia.

— Avant une heure nous aurons atteint la baie de San Benito.

Et, de nouveau, le partisan reprit la tête de la caravane.

Lisbeth avait profité de la liberté, résultant d’une promenade de nuit, pour marcher auprès de Morlaix.