Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/385

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Puis, les bras s’écartèrent de droite et de gauche, un terrible spasme agita tout le corps du monstre.

Antonio venait de lui arracher les yeux.

Et vite, abandonnant son ennemi, aveugle maintenant, qui commençait à battre les flots de coups de queue désespérés, le Philippin se laissa couler à l’eau et reprit sa route vers le Varyag, aussi tranquillement que s’il ne venait pas d’accomplir un acte de si folle témérité que les pêcheurs de perles, lesquels ont fréquemment maille à partir avec les squales, considèrent comme des héros, divinisent presque, ceux d’entre eux assez audacieux pour attaquer le requin sans armes.

L’insurgé, de même que les combattants heureux, avait dû perdre la notion du danger, car son visage bronzé ne trahissait aucune émotion, car son cœur continuait à battre régulièrement.

Le Varyag dressait sa muraille d’acier devant le nageur.

L’échelle de la coupée était en place, indiquant de la part de l’équipage la quiétude la plus absolue.

Évidemment, depuis l’entente intervenue entre le capitaine et Moralès, on jugeait inutile de se garder contre une attaque impossible.

Non sans peine, Antonio atteint l’échelle, il se hisse sur les degrés, il appelle.

À sa voix, des têtes curieuses paraissent au-dessus du bordage. Il monte toujours.

Le voici sur le pont.

Il ne comprend pas le russe ; les Russes n’entendent point le patois espagnol. Mais à son teint bronzé, à son aspect, les marins devinent un de ces indigènes avec lesquels leur capitaine a noué des relations amies.

On va prévenir le commandant du bord.

Celui-ci se présente. Il parle, lui, le dialecte philippin, et ce dialogue s’engage.

— Qui es-tu ?

— Antonio, le fidèle de Moralès. Je t’ai servi ton repas au campement.

L’officier a un sourire :

— C’est vrai, Je te reconnais. Te voilà présenté. Que veux-tu ?

— Te rappeler la promesse que tu as faite au chef.

— Rappelle.