Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/397

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Le métis les suivit des yeux. Quand ils eurent disparu, il alla s’accouder au bastingage et murmura :

— Je leur ai dit adieu. Ils n’ont pas compris. Il vaut mieux que ce soit ainsi !

Durant un instant, il appuya son regard sur les rides de l’eau glissant au flanc du navire, puis lentement, comme un homme qui pèse le pour et le contre d’une opération commerciale :

— J’avais juré obéissance à Moralès ; j’avais juré à la madone de protéger la señorita. Le serment à la madone était le plus sacré. J’ai donc sauvé la jeune fille… J’ai bien agi.

Et après un silence :

— Mais j’ai manqué à celui que j’avais fait à Moralès… Là, j’ai mal agi… j’ai frappé mes compagnons innocents de mes serments, je dois me frapper pour qu’en me revoyant au ciel, ils disent : Je te pardonne, tu étais de bonne foi. Mourir, répéta-t-il… Je ne possède que ma vie, je la donne en expiation. Personne ne peut me blâmer.

Ce disant, il se redressa, et doucement, ainsi qu’un flâneur, il gagna l’arrière du croiseur.

Là il s’accouda encore.

— Je nage trop bien, fit-il, un bateau peut passer… Qui sait ? Je ne dois pas conserver une chance de salut, si faible, qu’elle paraisse.

Un saumon de fer gisait à deux pas de lui. Il le ramassa, le souleva avec effort.

— Avec cela, on est sûr de couler de suite, dit le métis.

À l’aide d’un bout de filin, il attacha solidement la lourde masse entre ses deux pieds, puis se mettant à plat ventre sur le bastingage, il éleva les jambes d’un violent effort et les fit passer au dehors. Un instant il demeura là, les mains cramponnées au rebord.

La pièce métallique semblait le tirer à l’abîme. Ses veines gonflées, ses mains crispées, disaient la tension de ses muscles :

— Santa Madona, balbutia-t-il, intercède pour celui qui meurt.

Ses doigts se desserrèrent. Tout droit il glissa le long de la paroi du croiseur. Il y eut un éclaboussement léger qui se confondit avec le bouillonnement de l’hélice et ce fut tout.