Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/432

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assez grand pour donner les satisfactions nécessaires à qui serait lésé. Je prends, en attendant, la chose sous ma seule responsabilité. Malgré tout, rien ne sera changé à ce que j’ai ordonné.

— Retournez donc à vos navires, messieurs, conclut alors le commandant du Varyag. Vous savez tous qu’un marin n’a aucune peine à mourir pour accomplir son devoir.

Et comme les officiers français insistaient encore :

— Il est midi moins un quart. Laissez-moi sortir, laissez-moi faire le plus de mal possible à ces ennemis acharnés !… et si une avarie de machine ne m’en empêche pas, je vous promets de venir couler mes navires dans le port même. Alors, j’accepterai tout de votre bon vouloir ; même de recueillir à bord les survivants de mes équipages, auxquels vous éviterez ainsi la honte d’être prisonniers. Morts ou libres, voici ce que nous souhaitons.

Puis, leur désignant le transport Soungari :

— Ce bâtiment n’est pas armé. Il ne saurait donc nous suivre. Commencez à embarquer ses matelots ; ce sera autant de soldats que vous conserverez à notre Mère, la sainte Russie.

Avec une grandeur étrange, devant laquelle tous s’inclinèrent, il reconduisit ses visiteurs à la coupée.

Il attendit que leurs canots se fussent éloignés, puis gravissant les degrés de la passerelle, il se dressa à son poste de combat.

— Appel au Koreietz ! commanda-t-il.

Le mugissement de la sirène retentit aussitôt en modulations graves. La sirène de la canonnière répondit.

Sur les deux navires, on était prêt à mourir.

— Midi moins cinq, murmura le capitaine à voix basse ; il est temps !

Et de sa voix calme, il lança cet ordre :

— En avant !

Un silence religieux plana une seconde sur le croiseur, sur les marins, les canonniers, à leurs postes ; puis, une trépidation secoua le Varyag, les bielles des pistons ébranlèrent la machinerie de coups sourds, la vapeur fusa par les cheminées et, lentement, le bâtiment russe se dirigea vers la passe ménagée entre les jetées, suivi aussitôt par le Koreietz.

Ainsi, ils défilèrent devant les navires étrangers.