Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/51

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— Voyons, père chéri, récapitulons. Un jour, vous me prîtes sur vos genoux et me tîntes ce langage. « Daalia, ne souhaiterais-tu pas connaître le pays lointain où ton père a vu le jour ? — Un voyage en Europe, répondis-je, quand partons-nous ? »

— C’est exact.

— Chut ! Chut ! laissez-moi raconter mon histoire.

— Je la connais comme toi.

— Non, non, puisque vous grondiez à l’instant encore.

Elle appuya sur les lèvres de François sa main délicate, fine, sur la transparence ambrée de laquelle les veinules dessinaient des lacs d’azur pâle, et poursuivit :

— Oh ! oh ! fîtes-vous, trop de fougue, mademoiselle. Un riche planteur ne quitte pas ainsi ses domaines. Écoute ce que j’ai rêvé. Il y a quarante-trois ans que j’ai quitté la Lorraine, ma patrie, y laissent des frères. Ils ont dû se marier, créer des familles. La fortune, chez nous, était médiocre ; selon toute probabilité quelqu’un de mes « neveux », car, je suppose que j’ai des neveux, est pauvre. Or les Gravelotte sont de braves gens, tête de fer et cœur d’or, de vrais Lorrains enfin… Eh bien je rêve de donner la richesse à un neveu et le bonheur à toi, ma fille aimée, en vous mariant tous deux. J’écris dans ce sens à M. Fleck, mon représentant dans l’ancien monde, et…

— Et tu me fis déchirer la lettre, en gémissant de ta jolie voix prenante, à laquelle je ne sais pas résister : Oh ! papa ; le mariage est un acte important, très important. J’ai promis à maman. Je ne puis prendre une résolution sans avoir consulté le sage Miria-Outan.

— Consulte-le donc vite, telle fut votre réponse…

— Imprudente, car ces quelques mots ouvraient ma maison au génie des complications.

— Complications, vous pensez cela.

— Si je le pense ? Mais, petite malheureuse, comment désignerais-tu autrement le tissu de fables que j’ai confié à cet excellent Fleck ?

— J’appelle cela : les inspirations de M’Prahu.

Le planteur trépigna :