Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/60

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dix, pour être défunt avant de s’être indigénianisé.

Et là, dans le petit groupe, les yeux se portaient, non sans envie, sur le vieillard, sur sa fille, qui, à cette heure, où déjà la chaleur pesait accablante, semblaient seuls à l’aise, au milieu de l’atmosphère embrasée.

— Attention, le bateau.

En effet, entre les balises, marquant le chenal en eau profonde, apparaissait la coque grise du steamer effectuant le service en navette entre Singapoor, Batavia et les ports nord-est de Sumatra.

— À vous, monsieur Van Klijn, dit le gouverneur.

— Je suis paré, monsieur Staarten, répondit un petit homme sec, courbé par la maladie, assurant sa marche à l’aide de deux cannes. Vous voyez sur pied la brigade de police.

Il montrait du doigt une demi-douzaine d’agents, uniformément vêtus de blanc, et dont la fonction se trahissait seulement par le salacco (casque colonial), orné d’un ruban aux couleurs néerlandaises, et par le casse-tête en bois de fer, accroché à leur ceinture.

Le gouverneur Staarten hocha la tête d’un air satisfait ; il se tourna vers François Gravelotte, lui désigna du geste la force publique, avec cette exclamation :

— Eh ! Eh !

Sans nul doute, il voulait exprimer ainsi une phrase laudative dans le genre de celle-ci :

— Vous voyez comme tout cela marche. Je suis véritablement un gouverneur remarquable ; un conducteur d’hommes unique.

Mais l’attention du planteur était ailleurs.

Le navire, tiré par un remorqueur, venait lentement se ranger à quai.

Quelques ordres brefs partis de la passerelle, et l’énorme masse flottante s’arrêta. Des chaînes se déroulèrent avec fracas, se fixèrent aux colonnes d’amarrage. Puis un silence se fit.

Des matelots se préparaient à lancer la passerelle de débarquement.

Tous les yeux étaient fixés sur le pont, cherchant à deviner, dans le groupe des passagers, ceux que la police allait saisir.