Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/62

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Fichtre non, Albin n’en avait pas. Son départ précipité ne lui avait pas laissé le loisir de se munir des papiers divers que l’état civil attribue aux citoyens, avec une prodigalité coûteuse pour eux.

Et même, le temps ne lui eût-il pas fait défaut, qu’il n’aurait pas songé à ce détail. A-t-on besoin de papiers pour se dévouer ?

Quand on vient au bout du monde, pour délivrer un homme, pour reprendre, en son lieu et place, une captivité qui lui pèse, un passeport paraît chose inutile, illusoire, baroque.

Mais le policier d’un ton hilare s’écria :

— Alors vous n’avez pas de papiers ?

— Ma foi non, nous sommes partis si précipitamment.

— Si précipitamment… je sais, je sais… Précipitamment ; ah ! vous pouvez vous vanter d’avoir le mot juste, vous !

Van Klijn riait aux larmes.

Gouverneur, soldats, colons, gentilles créoles, se tordaient littéralement.

— Eh, monsieur, reprit Albin chez qui montait une visible impatience, je vous serais obligé de m’expliquer votre attitude ; elle est à tout le moins inconvenante !

— Oh ! une leçon de convenances !

Les rires redoublèrent.

Du coup, le jeune homme se mit en colère.

D’une brusque secousse, il se dégagea des mains des policiers et bondit vers François Gravelotte :

— Mon oncle !

Mais il s’arrêta stupéfait, Daalia s’était précipitée devant son père, le couvrant de son corps, et d’une voix frémissante :

— Vous me tuerez, avant de le frapper.

Puis nerveuse, irritée :

— Qu’espérez-vous de cette comédie ?

— Quelle comédie ?

— Vous n’êtes pas un Gravelotte.

— Je ne suis pas, bredouilla Albin, ahuri de se voir contester son nom ?

— M. Fleck nous a télégraphié.

— Fleck, ce misérable.