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Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/119

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Les voyageurs restaient seuls.

— Arrivera-t-il ce soir ? murmura enfin Milhuitcent avec une sourde impatience.

— Nous le verrons bien, riposta philosophiquement le pitre.

Espérât eut un sursaut.

— Nous le verrons bien, répéta-t-il d’un ton d’humeur. Vois-tu, Bobèche, ta tranquillité m’exaspère.

— Et ton exaspération m’apaise, mon vieux Espérat. Tu auras beau t’agiter, cela ne fera pas courir le d’Artin plus vite. Imite donc Henry, il attend paisiblement.

Espérat secoua violemment la tête :

— Je ne peux pas.

Et le pitre voulant essayer de le calmer.

— Songe donc que du succès dépend peut-être l’avenir de l’Empereur, celui de la France.

— Parbleu, penses-tu me l’apprendre ?

— Non, mais la moindre chose peut tout mettre en question.

— Peuh !

— Suppose que d’Artin ait changé de route.

— Impossible.

— Pourquoi ?

— Parce que ses relais sont préparés sur celle-ci. Sois moins nerveux et tu verras plus clair.

Puis, comme son interlocuteur se reprenait à manger furieusement.

— À propos, il y a toujours un point que nous n’avons pas élucidé.

Le visage d’Espérat se rembrunit, celui d’Henry devint attentif.

— Tu sais ce que nous comptons faire, poursuivit Bobèche ?

— Parbleu ! Surprendre d’Artin, lui arracher la missive du roi.

— Bon, mais après ?

— Après quoi ?

— La lettre enlevée, reste d’Artin.

Cette fois, Espérat ne répondit pas.

— Il ne veut pas qu’on le tue, prononça lentement Henry en adressant un affectueux regard à son frère d’adoption.

— J’entends bien, insista le pitre. C’est convenu, on ne tuera pas ce gentilhomme, puisque la naissance en a fait le frère d’Espérat. Joli frère entre nous, si j’en avais un pareil…

Un coup d’œil suppliant d’Henry arrêta la parole sur ses lèvres.