Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/247

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mouvement doit être d’avertir Napoléon. Celui-ci va tâcher de se soustraire au sort qui le menace ; en d’autres termes, il tentera de quitter l’île d’Elbe.

— En effet.

— Eh bien, Sire, que le télégraphe à bras de M. Chappe[1] se mette en mouvement. Ordre aux garnisons des côtes, à la marine, de redoubler de vigilance. Si l’Usurpateur bouge, il fournit ainsi le prétexte d’un transfert en un exil plus lointain. Surveillé étroitement, il ne peut échapper. Bref, l’attaque des malandrins contre ma personne, se retourne contre l’Homme néfaste, et le beau rôle nous appartient.

Le roi hocha la tête avec satisfaction.

— Ah ! comme cela, ma foi.

Puis, avec une pointe d’inquiétude :

— Mais s’il continue à rester paisiblement dans son île ?

— Dans ce cas, Sire, M. de Talleyrand, averti par moi, exalte les sentiments des membres du congrès de Vienne et les décide à brusquer les choses. L’enlèvement de l’Usurpateur, reconnu indispensable à la tranquillité de l’Europe, n’est qu’une question de jours.

— Eh bien, Sire, demanda M. de Blacas, ai-je bien fait d’amener M. de Rochegaule ?

Louis lui tendit la main :

— Comme toujours, tu as eu raison, mon Duc. Et je suis heureux de l’affirmer, car tes heureuses inspirations prouvent surtout ton amitié pour moi. Il tendit aussi la main à d’Artin :

— Comte, je n’oublierai pas votre habileté en ces circonstances difficiles. Louis XVIII, roi de France, se déclare votre débiteur.

Une demi heure plus tard, le comte rentrait chez lui, enchanté du succès de ses mensonges et escomptant déjà les profits qu’il pourrait tirer de la faveur de son souverain.

  1. Le télégraphe optique, à bras articulés, imaginé par Chappe et ses frères, fonctionna dès 1794.