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Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/252

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— D’après ses paroles, il serait en France, sur la route de Grenoble.

Un rugissement s’échappa des lèvres du comte. Empoignant le rebouteur par le collet, il l’entraîna vers la porte qu’il ouvrit avec tant de violence que Jacob eut à peine le temps de se dissimuler le long du mur.

D’Artin ne le vit pas. Traînant toujours Latrague après lui, il courait plutôt qu’il ne marchait, se dirigeant vers la chambre de Lucile.

Avec un geste ironique, Jacob, cet ancêtre de Gavroche, se précipita à la poursuite des deux hommes.

Il arriva presque en même temps qu’eux dans le petit salon attenant à la salle où se tenait la folle, et par la porte que le comte, dans son trouble, avait laissée ouverte, il assista à la scène étrange et troublante que voici.

Lucile était assise près d’un guéridon.

Penchée en avant, elle semblait s’entretenir avec un invisible interlocuteur. L’entrée de son frère, du rebouteur, ne la troubla pas. Elle ne parut pas remarquer leur présence.

Toute sa personne exprimait la joie, et tout en poursuivant une conversation imaginaire, elle caressait sa bouche d’une rose.

— Oui, disait-elle, Napoléon nous venge.

— Napoléon ? grommela d’Artin.

Elle ne sembla pas l’entendre.

— Le vicomte a semé la honte…

— Le vicomte ? répéta-t-il encore.

— Il récoltera l’opprobre.

Brutalement, le gentilhomme saisit le poignet de la folle.

— Lucile, fit-il d’une voix rude, apprenez que le comte de Rochegaule d’Artin, fidèle sujet du roi, est récompensé par la faveur de Sa Majesté !

Elle retira sa main, avec un petit cri de douleur, puis, sans transition, elle éclata de rire :