Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/40

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« D’Artin-Rochegaule, qui vous portera ce message, vous dira toutes choses en détail et principalement ce que j’ai rêvé.

« Merci, et à bientôt de vous lire. »

Signé : « Talleyrand ».

Les trois gentilshommes s’entre-regardèrent.

Nul ne faisait attention à Espérat qui s’était retiré à l’écart.

Sans cela, ils se fussent étonnés de lui voir le visage bouleversé : et peut-être eussent-ils surpris ces mots, susurrés par ses lèvres tremblantes.

— Enlever l’Empereur. M. de la Valette avait raison.

Ce fut le duc qui rompit le silence.

— Pourquoi la lecture dont vous venez de réjouir nos oreilles ?

— Pour nous bien pénétrer de la gravité des circonstances.

M. de Blacas éclata de rire.

— Je suis pénétré, mon cher baron… pénétré à ce point que, dans un instant je présente M. de Rochegaule au roi. Que diable ! calmez votre fougue, ne me demandez pas l’impossible.

— À Dieu ne plaise.

— Nous sommes donc d’accord. M. de Rochegaule a sans doute sa voiture ?

— En effet.

— Je vous prierai de m’y accorder place, et nous pourrons ainsi, sans tarder davantage, nous rendre aux Tuileries. J’espère que Vitrolles approuvera la motion.

Avant que l’interpellé eût le loisir de répondre, le valet qui avait introduit d’Artin, parut de nouveau.

— M. le comte de Walewski, venant de l’hôtel de Blacas, supplie M. le duc de lui accorder un court entretien, qui, dit-il, ne souffre aucun retard.

Du coup le duc éclata de rire, et appuyant la main sur l’épaule de M. de Vitrolles :

— Tenez, mon cher, vous déteignez sur les autres. Voici encore un personnage qui n’admet aucun retard.

— Le recevez-vous ?

— Si vous le permettez. M. de Walewski et sa femme sont de fervents amis de Napoléon. Il faut écouter les amis de nos ennemis ; cela est instructif.

Et avec l’urbanité protectrice dont il avait le secret :

— Daignez me laisser la jouissance de cette chambre. J’abrégerai l’audience autant que possible.