— Excusez mon étonnement. Mais en vérité la combinaison est si imprévue.
— Qu’elle doit surprendre le monde.
— J’en ai la certitude, Monsieur le comte.
— Nous aiderez-vous auprès du roi ?
Le duc se gratta le menton, ce qui, chez lui, ses familiers le savaient, annonçait une ironie.
— Vous me voyez très embarrassé, se décida-t-il enfin à déclarer.
— Embarrassé ? Y a-t-il quelque chose qui vous choque, qui vous paraisse obscur ?
— Non, non, du tout.
— Qu’est-ce donc ?
— Ceci. Je vous ai donné ma parole de ne répéter à quiconque…
— Ma confidence ? Eh bien ?
— Comment pourrai-je en entretenir Sa Majesté ?
C’était là une plaisanterie de gamin. M. de Walewski prit la chose au sérieux :
— Monsieur le duc, voilà un scrupule exagéré. Je vous dégage donc de votre promesse en ce qui concerne S. M. Louis XVIII, roi de France.
— Mille grâces, Monsieur le comte. Soyez convaincu que j’aurai grande joie à faire entendre tout cela à Sa Majesté.
Walewski continua à ne point voir malice dans la réplique de son interlocuteur :
— Je vous remercie, Monsieur le duc. Ce soir, je retourne à Vienne. Dès mon arrivée, j’informerai le czar que vous consentez à joindre vos efforts aux nôtres.
— Avec un plaisir sans limites, je vous le répète.
— Et comme Alexandre n’oublie jamais ceux qui l’ont servi, je crois qu’il vous comptera au nombre de ses amis.
Brusquement il changea de ton :
— Maintenant, Monsieur le duc, séparons-nous. Que le ciel protège ces deux grandes victimes, France et Pologne.
— Ainsi soit-il, conclut de Blacas en se mordant les lèvres pour ne pas rire.
Les gentilshommes se serrèrent la main et le Polonais sortit. Seul, le duc leva les bras au ciel.
— Peuh ! Alexandre est fou. Les Bourbons pactiser avec cet aventurier sorti de Corse ! Allons donc, cela n’est pas possible. L’héritier légitime du trône tendant la main à l’homme qu’il doit considérer comme un