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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/104

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pourboire modeste, le Steward jurera, s’il le faut, que je n’ai pas le moindre appétit.

Puis se dirigeant vers la porte :

— Ma sœur, puisque a bord vous êtes ma sœur, permettez que je vous offre le bras pour faire un tour sur le pont. Dans un quart d’heure, nous regagnerons nos cabines. L’en-cas du 5 passera au 3, et votre amie ne se doutera pas une minute que son déjeuner continue à se promener aux côtés d’une petite lady.

Comme elle appuyait sa main sur le bras de l’ingénieur :

— Au reste, déclara celui-ci, ma recommandation au steward nous fournira, au besoin, une sorte d’alibi.

— D’alibi ? Que voulez-vous dire ?

— Que mistress Elena exprimera peut-être très haut sa surprise, lorsqu’elle s’apercevra que son sac a été transformé en garde-manger.

— C’est vrai. Je n’y songeais pas.

— Au cas où on vous soupçonnerait ! vous avoueriez ma fringale. Vous feriez comparaître le steward…

Elle lui serra doucement la main.

— Et pour moi, vous consentiriez à être complètement ridicule. C’est la plus grande preuve de dévouement qui se puisse donner. Je vous en suis profondément reconnaissante.

— Ne vous ai-je pas dit que je suis votre chose, votre esclave, mademoiselle ?

— Si, fit-elle d’un ton ému, si, et je vois que votre parole n’est point vaine. — Puis redevenant enjouée — mais je ne veux pas que mon esclave soit ridicule ; aussi vais-je tenter de reprendre à mistress Elena ce que je lui ai confié un peu… légèrement.

Souriante, elle entraîna l’ingénieur, profondément troublé par l’accent avec lequel Stella venait de prononcer ces répliques banales.