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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/111

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Il serait téméraire de l’affirmer. Toutefois Nieto agit absolument comme si sa cervelle canine avait formulé ce raisonnement.

Après avoir flairé le sac, il leva la tête et lécha la main de miss Mable.

Celle-ci eut un cri de frayeur, puis reconnaissant le yucatano, elle le caressa, sans se douter, bien entendu, combien intéressée était la présence du dogue.

Lui se laissa faire, attendant toujours la pâture.

Puis il poussa de petits grognements d’impatience.

Évidemment il est doux de sentir une main amie vous gratter courtoisement la tête, mais cette aménité toute platonique ne saurait entrer en comparaison avec l’offrande d’une tranche succulente de pâté.

— Eh bien ! qu’as-tu donc, Nieto ? interrogea la replète Anglaise, un peu surprise.

Au son de sa voix, le chien se dressa sur ses pattes, bâilla en découvrant une gueule formidable, ornée de crocs aigus.

Puis, jugeant le moment venu de déguster la gourmandise attendue, il happa le réticule.

— Aoh ! shocking ! s’exclama miss Mable.

D’une tape vigoureuse elle fit lâcher prise à l’animal et plaça le sac sur ses genoux.

— Ah cal ce dog (chien), il est donc possédé par le démon fourchu, s’écria la pauvre dame presque aussitôt.

L’exclamation était motivée.

Sans façon, Nieto, auquel la passion culinaire faisait perdre tout sentiment des convenances, reprenait le réticule à la grande joie des assistants.

Nouvelle tape qui repoussa l’assaillant.

Très digne, miss Mable fit passer l’objet du litige de l’autre côté de sa ronde personne.

— Vous êtes improper (pas convenable), Nieto, déclarait-elle en même temps. A-t-on jamais vu une grosse bête énorme comme vous, jouer avec un fragile colifichet