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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/115

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Les passagers avaient formé le cercle et tous pouffaient.

— Certainement, vous ; ce n’est pas moi, je suppose, reprit rageusement Elena.

— Oh ! mistress, je ne songe pas à vous accuser.

— C’est heureux, car j’en suis bien certaine, moi ; mon réticule ne contenait rien de semblable quand je vous l’ai confié.

— Cela doit être, puisque vous l’affirmez, mistress ; mais alors, comment cela est-il venu dedans ?

Durant un quart d’heure, les deux Anglaises se querellèrent ainsi.

Enfin la gracieuse Elena consentit à s’apaiser. La bonne foi de Mable lui parut établie.

Dès lors, elle, passagère et Anglaise, avait été la victime d’un mauvais plaisant. L’honneur britannique exigeait une répression exemplaire. Elena se plaignit au capitaine.

Le capitaine reprocha leur manque de surveillance à ses lieutenants.

Les lieutenants repassèrent la réprimande, revue et augmentée, aux maîtres d’équipage, aux chefs stewards.

Ceux-ci s’en déchargèrent sur leurs inférieurs.

Et la fraternité aidant, la sainte Fraternité qui pousse les hommes libres à donner une part, que dis-je, à se dépouiller totalement, des choses désagréables en faveur de leur prochain, la gronderie paternelle du capitaine se traduisit pour le dernier marmiton, ou élève-coq, par un vigoureux coup de pied asséné au bas des reins par l’avant-dernier apprenti gâte-sauce.

L’innocente et infortunée victime de ce mouvement, centrifuge autant qu’ascensionnel, fondit en larmes en geignant :

— On me bat parce que les Anglais sont des goinfres.

Des profondeurs de la cale, la plainte naïve re-