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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/122

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amis de Dolorès, se précipita chez les officiers subalternes. Ses instructions peuvent se résumer ainsi :

— Messieurs. Tout Sud-Américain doit tenir à honneur de préserver les jours de la Mestiza, qui les a consacrés à l’indépendance sudiste. Or, les Anglaises, bien qu’ayant des têtes de fer, ne sont pas plus cruelles que les autres femmes. Il s’agit donc de surveiller celles-ci bien ostensiblement. Dès l’heure où il leur sera prouvé qu’il leur est impossible de ravitailler la dona Dolorès, elles la trahiront plutôt que de la laisser périr d’inanition. Allez, établissez un roulement de garde parmi les matelots. Le Sud, libéré du Nord, a les yeux sur vous.

Tranquillisés de ce côté, le groupe des amis de la Mestiza se disloqua. Chacun regagna sa cabine.

Mais longtemps, dans la chambrette numéro 3, on eût pu entendre des chuchotements et des rires étouffés.

Stella contait les incidents de la soirée, à la prêtresse d’Incatl.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Miss Mable Grâce s’était retirée de bonne heure.

L’opulente demoiselle de compagnie avait ressenti une extraordinaire lassitude des événements de cette journée mémorable. Grosse comme une tour, elle possédait une petite âme frêle, sensitive, impressionnable.

La nature est pleine de ces contradictions. Certains géants sont aussi dépourvus d’énergie qu’un enfant, et l’on rencontre des pygmées à l’âme de héros. Donc Mable était mal à l’aise.

L’assaut de Nieto, puis les reproches de mistress Elena, puis la malveillance incompréhensible qui avait fait d’un réticule la succursale d’un office, tout cela avait ébranlé ses nerfs délicats, crispé ses muscles, meurtri ses os, contracté son cœur, son estomac, sa rate et son foie.

Du moins, telles étaient les raisons qu’elle avait